:: 99 Problems : Jay-Z, flingue, flics et flow
Dans 99 Problems, Jay-Z dégoupille son art comme une arme planquée sous la banquette arrière.
Sorti en 2004 sur The Black Album, ce titre est bien plus qu’un hit : c’est une radiographie crue de l’Amérique urbaine, coincée entre le bitume et le badge. Derrière le riff brutal signé Rick Rubin - ce beat primal qui claque comme une portière de Crown Vic - Shawn Carter revisite ses démons : le racisme systémique, le contrôle policier, la paranoïa de la rue.
Tout est là, compressé dans trois couplets ciselés comme un interrogatoire. Le vers le plus marquant - “I got 99 problems but a bitch ain’t one” - est trop souvent mal compris. Ce n’est pas une bravade misogyne, c’est une ligne de défense. Ici, la “bitch”, c’est surtout l’État, la loi, le flic qui fouille le coffre sans mandat. Jay-Z rappe la Constitution comme un avocat de rue, exhibant ses droits comme des brass knuckles.
Musicalement, Rubin ramène le hip-hop au garage punk : guitares sèches, batterie épurée, basse rampante. Un retour aux sources pour un rappeur qui signe là son faux testament : The Black Album devait être son chant du cygne. Au lieu de quoi, il grave dans le marbre un morceau éternel, repris, détourné, disséqué.
99 Problems reste une masterclass de storytelling et d’ironie. Jay-Z y sculpte son mythe de survivant, frôlant le précipice pour mieux le raconter. Vingt ans plus tard, le morceau résonne toujours : chaque sirène, chaque contrôle routier rappelle que les problèmes ont changé de visage mais pas de racines. Entre rap, rock et révolte, Jay-Z signe ici l’un de ses plus puissants manifestes.