:: A Love Supreme : Coltrane en feu
A Love Supreme est plus qu’un disque : c’est une prière incandescente, un cri cosmique enregistré dans la fièvre d’une nuit de décembre 1964.
Coltrane, purifié de ses démons, trouve ici une voix qui transcende le langage - saxophone comme canal mystique, qui parle en langues inconnues mais universelles.
On est loin du jazz de salon ou des jams décousues. Ce quartet - McCoy Tyner au piano, Jimmy Garrison à la basse, Elvin Jones à la batterie - joue comme s’il annonçait la fin du monde… ou son salut. Coltrane module son souffle comme un moine en transe : souffle continu, attaques furieuses, notes qui implosent. Ce n’est plus une improvisation, c’est une ascension.
Sorti en 1965, au cœur d’une Amérique fracturée par la guerre du Vietnam et les luttes pour les droits civiques, A Love Supreme résonne comme un manifeste spirituel et politique. Sans slogan. Sans revendication. Juste la musique, qui dit tout. C’est le gospel d’un homme noir qui regarde Dieu dans les yeux et qui, sans peur, lui parle.
La structure en quatre mouvements évoque une messe moderne, mais libre, brûlante. Acknowledgement installe le motif - quatre notes qui deviennent mantra. Resolution est un combat. Pursuance, une course vers l’infini. Et Psalm, lecture poignante d’un poème invisible que Coltrane souffle plutôt que récite.
On ne ressort pas indemne de ce voyage. Il y a dans A Love Supreme une force qui ne vieillit pas, un mystère qui reste entier. Comme si Coltrane, dans cet instant suspendu, avait touché quelque chose d’éternel.