Albums : Psychocandy, le sucre noir de Glasgow
Psychocandy n’est pas un album. C’est une gifle. Un manifeste.
Quand il sort en 1985, on croit d’abord à une blague : comment un tel mur de larsens, de guitares hurlantes, peut-il abriter de telles mélodies pop ? Les frères Reid inventent une collision : The Beach Boys roulés dans le bitume du Velvet Underground. La douceur noyée dans le bruit. Le bruit sculpté en douceur.
La production est minimale, presque crue. Batterie réduite à une pulsation tribale, guitare transformée en scie circulaire, voix qui flotte comme un fantôme sucré dans la tempête. On dirait un transistor mal réglé captant un signal venu d’une autre planète. Et pourtant, derrière chaque grésillement, il y a des chansons. De vraies chansons. Simples, immédiates, presque enfantines.
On raconte qu’en studio, l’alcool et l’électricité coulaient à parts égales. Que chaque prise était à la limite du chaos. Et ce chaos est devenu une esthétique : shoegaze, noise-pop, My Bloody Valentine, tout cela germe ici. Psychocandy, c’est une porte qui s’ouvre sur un paysage de désolation et de beauté, comme si Phil Spector avait produit les Stooges dans une cave humide.
Écouter cet album, quarante ans plus tard, c’est sentir la morsure intacte. On croit voir les étincelles jaillir des câbles. On croit sentir le sucre brûlé. C’est dangereux, addictif, irrésistible. Psychocandy est un paradoxe : bruit total, pureté totale.