All Along the Watchtower : le jour où hendrix a incendié la tour de guet
1968. Le monde est une poudrière. Le rêve des "sixties" craque sous la pression, et la musique doit répondre.
Bob Dylan, le prophète, lâche la version originale d’All Along the Watchtower : brute, acoustique, presque biblique. Un murmure d’avertissement. Puis arrive Jimi. L’ouragan électrique. Il n’a pas seulement repris le morceau ; il l’a transfiguré. Il en a fait l’hymne définitif de l’apocalypse imminente.
L’entrée en matière est glaciale, menaçante. L’accord inversé sur la guitare acoustique, comme un glas. Puis, le solo. Ce n’est pas un solo, c’est une conversation avec le cosmos. Hendrix déroule une toile sonore d’une complexité démente, utilisant le vibrato comme un cri, la distorsion comme un rugissement de bête blessée. Chaque note, saturée et précise, est une balle traçante. Le mixage, d’une spatialisation révolutionnaire pour l’époque, place l’auditeur au centre du chaos. C’est le Sgt. Pepper du Power Trio.
L’anecdote de studio est légendaire : fatigué par les prises successives, Hendrix aurait fait venir des amis, dont le guitariste des Traffic, Dave Mason, pour jouer l’acoustique d’accompagnement, avant de s’épuiser. Il est revenu le lendemain, possédé, et a posé le solo final en une seule prise d’une intensité folle. Dylan lui-même a été si soufflé qu’il a adopté la version d’Hendrix pour ses propres concerts.
Plus qu’une reprise, c’est une prise de possession. Là où Dylan était la poésie, Hendrix est l’électricité pure. Il a prouvé que le blues, le rock et la spiritualité pouvaient cohabiter dans une seule explosion de son. Écoutez le break final, ce bruit qui ressemble à une collision interstellaire. C’est le son de l’Histoire en train de basculer. Un morceau essentiel. Une leçon de génie brut.

