Astral Weeks : âmes astrales au bord du rivage
Dès la toute première note, quelque chose s’ouvre. "Astral Weeks" de Van Morrison n’est pas un album, c’est une traversée.
Sorti en novembre 1968, en pleine tempête culturelle, il flotte hors du temps : ni folk, ni jazz, ni pop, mais un souffle mystique, un long poème sur la mémoire et la grâce.
En studio, rien n’était vraiment prévu. Morrison, vingt-trois ans à peine, entre à New York avec quelques esquisses. Autour de lui, des musiciens de jazz venus de nulle part, sans répétitions, sans plan. Tout se joue en direct, presque à l’instinct.
La contrebasse de Richard Davis respire comme un cœur, la flûte et les cordes errent dans la lumière, la voix se cherche, se brise, s’élève. Chaque morceau semble né d’un songe, Cyprus Avenue, Sweet Thing, Madame George : des visions d’Irlande filtrées par la mélancolie américaine.
Rien d’un succès immédiat. Trop étrange, trop pur pour la radio. Mais les années l’ont révélé comme un monument secret. Un disque adoré des musiciens, vénéré des rêveurs. Morrison y touche à l’extase : celle d’un homme qui transforme ses blessures en clairvoyance.
Écouter Astral Weeks, c’est comme marcher pieds nus dans un jardin nocturne : on ne sait pas d’où vient la lumière, mais elle est là, diffuse, presque divine. Un disque qu’on ne comprend pas vraiment, qu’on ressent surtout. Une âme enregistrée dans la réverbération d’un instant.

