:: Astral Weeks : transcendance brute
En 1968, alors que le rock se muscle et que la jeunesse cherche des slogans, Van Morrison prend tout le monde à revers.
Astral Weeks n’a ni hits ni riffs, mais une forme libre, organique, quasi mystique. Un disque de transe blanche, nourri de jazz, de folk celte et de poésie visionnaire. Huit morceaux suspendus entre Belfast et Boston, entre le deuil et la grâce, entre le temps perdu et le salut possible.
Enregistré en trois jours, avec des jazzmen qui ne connaissaient même pas le nom du chanteur, Astral Weeks est une œuvre d’abandon. Van chante comme un possédé - ou comme un prophète en pleine chute. Sa voix oscille entre la plainte et l’extase, sculptant les syllabes comme des prières à moitié étouffées. La contrebasse de Richard Davis serpente, libre, élastique ; la flûte et le vibraphone planent au-dessus d’un monde qui semble toujours au bord de l’effondrement ou de l’illumination.
Ce n’est pas un album de chansons : c’est un cycle, un voyage intérieur, un cri romantique dans l’Amérique urbaine post-Beat. On y parle d’enfance, de rédemption, de transcendance charnelle, mais rien n’est clairement dit. Tout est suggéré, ressenti, vibré. “Madame George” ou “Cyprus Avenue” ne sont pas des récits - ce sont des souvenirs brumeux, des visions hallucinées.
Commercialement ignoré à sa sortie, Astral Weeks est devenu un totem. Un disque sans équivalent, ni avant, ni après. Un miracle de fragilité tenue, où chaque note semble jouer sa vie. Un vertige sonore qui continue, des décennies plus tard, à faire vaciller ceux qui s’y abandonnent.