Best of France : Banzaï - La Souris Déglinguée
On n’entre pas dans "Banzaï" comme dans un disque ordinaire. On y tombe, comme dans un train de nuit lancé à toute vitesse, vitres sales et odeur de bière tiède.
En 1983, La Souris Déglinguée ne cherche pas à séduire : elle crache. Le punk français, déjà sur le déclin, trouve ici une mutation étrange, une alliance de rage urbaine et de rêveries asiatiques.
Ce qui frappe, c’est la collision des mondes : riffs crus, batterie sèche, mais aussi guitares qui s’étirent comme des lanternes dans la nuit, des chœurs qui résonnent comme un port de Saïgon. La voix de Tai-Luc n’explique rien : elle déchire, elle raconte à demi-mots la banlieue, l’exil, les amitiés cassées. À l’époque, personne ne comprenait trop ce mélange de rock de rue et d’imaginaire asiatique. Aujourd’hui, ça sonne prophétique : le punk n’était plus seulement une posture anglaise, mais une passerelle vers l’ailleurs.
J’ai toujours trouvé que Banzaï ressemblait plus à un carnet de route qu’à un album. On y entend l’errance, les gares de nuit, les murs tagués, les regards méfiants. Ce n’est pas parfait, ça dépasse, ça sature. Mais c’est vivant, incroyablement. Un disque qui suinte la vérité crade des années 80 françaises, mais qui ose ouvrir les fenêtres vers Hong Kong, Hanoï, Tokyo.
Écouter Banzaï, c’est comprendre qu’un groupe peut être à la fois de son quartier et du monde entier. Comme si la rage des rues de Paris rencontrait les fantômes de l’Indochine. Un album bancal, magnifique, qui n’appartient qu’à lui.