Best of : Genesis
Nés dans les couloirs feutrés d’un pensionnat anglais, Genesis ont retourné la raideur victorienne en théâtre baroque.
Derrière les masques et les capes, une musique labyrinthique où les suites s’étirent, les claviers s’envolent, les contes s’effondrent. D’abord mystiques et littéraires, puis pop et colossaux, ils ont incarné la mutation même du rock : de la fable biblique à la machine moderne. Genesis, c’est la liturgie du son progressif devenu chair, rêve et contradiction.
Selling England by the Pound (1973)
Un hymne à une Angleterre qui se désagrège, racontée par des prophètes en velours. Les claviers de Banks ouvrent des cathédrales sonores, la basse de Rutherford sculpte le sol, et la voix de Gabriel flotte entre ironie et prière. Tout ici brûle d’intelligence et de nostalgie : le romantisme des ruelles, la satire du capitalisme, l’élégance du désenchantement. C’est le disque où Genesis a trouvé son langage sacré, entre rêve pastoral et lucidité déchirante.
The Lamb Lies Down on Broadway (1974)
Voyage schizophrène dans les entrailles de New York, où Rael - alter ego de Gabriel - traverse les visions d’un monde en décomposition. Un opéra rock paranoïaque, électrique, fragmenté comme un cauchemar urbain. La narration s’éparpille, la musique implose : guitares nerveuses, synthés liquides, rythmiques charnelles. Ici, Genesis explose son propre mythe, se consume dans le délire. C’est la métamorphose finale avant la chute, la dernière illumination avant le silence du départ.
A Trick of the Tail (1976)
Premier souffle sans Gabriel, et pourtant, quelle renaissance ! Phil Collins, nouveau héraut, insuffle chaleur et précision rythmique à la mécanique céleste du groupe. On quitte la théâtralité pour la lumière, la douleur pour la grâce. L’album respire la liberté : mélodies limpides, virtuosité apaisée, contes mythiques filtrés par la mélancolie moderne. Genesis prouve qu’on peut survivre à son ombre - et que le progressif, s’il sait respirer, peut encore battre avec un cœur humain.