:: Bohemian Rhapsody : opéra électrique
Quand Bohemian Rhapsody paraît en 1975, personne n’est prêt. Pas même Queen.
Six minutes d’un délire baroque où se télescopent ballade mélancolique, opéra grandiloquent et hard rock théâtral : un ovni sonore qui fracasse les formats radio et explose les conventions. Freddie Mercury, démiurge flamboyant, y orchestre une tragédie intime, cryptique et tragique, portée par une structure labyrinthique et une mise en scène vocale jamais entendue à ce niveau.génération.
C’est une confession masquée, un opéra miniature, une pulsion de mort chantée les bras en croix. Le piano ouvre sur un murmure presque prière, avant l’explosion des chœurs - Galileo! Figaro! - puis le déferlement électrique, Brian May lançant un solo comme un éclair dans la nuit. Le morceau ne raconte pas une histoire : il est l’histoire, celle d’un artiste en lutte contre ses démons, sa sexualité, sa culpabilité, son besoin de transcendance. Une chanson qui n’appartient à aucun genre parce qu’elle les cannibalise tous.
Dès sa sortie, elle pulvérise les charts et fige le monde : une œuvre trop ambitieuse pour être simplement écoutée. Elle s’impose. Son clip précurseur, ses harmonies empilées jusqu’au vertige, son absence de refrain, tout aurait dû la condamner. Au contraire, elle devient un totem. Symbole de liberté artistique, cri d’amour de la scène glam au théâtre classique, elle redéfinit ce qu’une chanson pop peut oser.
Aujourd’hui encore, Bohemian Rhapsody n’a pas d’équivalent. C’est un sortilège sonore, une cathédrale montée sur bande magnétique. Un chef-d’œuvre qui ne s’explique pas. Il s’écoute. Il se subit. Il se chante, les yeux fermés, comme on se jette dans le vide.