Born to Run : l’odysée électrique du bitume
C’est le son d’une dernière chance qui hurle contre les murs d’un studio exigu. En 1975, Bruce Springsteen n’est pas encore le "Boss", c'est un gamin du New Jersey menacé par sa maison de disques.
Born to Run n’est pas qu’un album ; c’est une évasion spectaculaire, une déflagration de rock ‘n’ roll cinématographique qui a redéfini le rêve américain pour ceux qui en sont exclus.
Le disque transpire une ambition démesurée. C’est la rencontre impossible entre le “Wall of Sound” de Phil Spector et la poésie urbaine de Dylan. La production est une architecture massive : des cascades de pianos enfiévrés, des guitares qui mordent comme le froid de l’hiver sur la côte et, par-dessus tout, le saxophone héroïque de Clarence Clemons qui déchire le ciel. On raconte que Bruce a passé des mois à peaufiner chaque seconde, obsédé par l’idée de capturer le son d’une “explosion dans une église”.
L’écoute est une expérience physique. On sent l’odeur de l’essence, la sueur des salles de bal délabrées et l’urgence de vivre avant que la ville ne nous dévore. C’est un opéra de rue, une symphonie pour les perdants magnifiques. En posant le diamant sur le vinyle, on n’écoute pas de la musique : on monte sur le siège passager d’une Chevy déglinguée, direction l’horizon. Un monument.

