Bringing It All Back Home : quand le folk vend son âme au diable (et nous sauve tous)
Le choc est encore là, intact, cinquante ans plus tard. Mars 1965 : Bob Dylan rentre à la maison, mais il a pris soin de mettre le feu au jardin.
Bringing It All Back Home n’est pas qu’un disque, c’est le big bang de la pop moderne. En une face A branchée sur 220 volts, Dylan enterre le puritanisme acoustique de Greenwich Village pour embrasser le chaos électrique du rock’n’roll.
Dès les premières mesures de “Subterranean Homesick Blues”, c’est une rafale de mitraillette verbale. Dylan crache ses rimes sur un beat binaire poisseux, inventant le rap avant l’heure sous l’œil médusé d’un public qui le croyait prisonnier des chansons à message. Techniquement, l’album est une prouesse de spontanéité : enregistré en seulement trois jours, on y entend le son d’une urgence absolue, celle d’un poète qui a compris que la révolution ne se ferait plus dans les églises, mais dans les autoradios. Les musiciens de studio tâtonnent, le piano de “Maggie’s Farm” rebondit avec une insolence crasse, et Dylan jubile.
Puis, la face B nous ramène dans la pénombre. “It’s All Over Now, Baby Blue” résonne comme un adieu déchirant à son ancien moi. On sent la tension en studio, ce moment fragile où le folk devient métaphysique. Ma subjectivité me hurle que ce disque est le portrait d’un homme qui décide, seul contre tous, de devenir un astre. C’est violent, c’est arrogant, c’est sublime. Un dynamitage en règle.

