:: Brûler avant d’exister : The Stooges
Il fallait que ça explose. Pas pour briller, mais pour cramer. The Stooges, c’est le cri primal d’une Amérique assommée par le rêve hippie.
Nés à Détroit à la fin des sixties, Iggy Pop et ses frères d’armes - les frères Asheton à la guitare et à la batterie, Dave Alexander à la basse - ont inventé sans le savoir le punk bien avant que le mot ait un sens.
Leur premier album, produit à contre-cœur par John Cale, sonne comme une révolte contre le professionnalisme.
Trois accords, une ligne de basse qui martèle, une voix qui grince et se tord : I Wanna Be Your Dog est une incantation sexuelle, animale, désespérée. Ce n’est pas de la musique, c’est un rite. Fun House en 1970 pousse le curseur encore plus loin : saxophone free-jazz déchaîné, rythmes tribaux, chaos électrique. C’est du rock’n’roll déconstruit, une transe de garage possédée.
Les Stooges ne vendent rien, ils dérangent. Trop sales, trop vrais. Leur rage ne devient légendaire que plus tard, quand les punks londoniens et les noise-rockers new-yorkais découvrent l’ampleur du désastre et s’en nourrissent comme d’un évangile.
Iggy, torse nu, couvert de sang, sautant dans le public, incarne une esthétique de la chute, du refus. Ce n’est pas de la scène, c’est du sacrifice. The Stooges ont été crucifiés vivants par leur époque, pour mieux ressusciter dans toutes les marges futures.
Ils n’ont pas changé l’histoire du rock. Ils ont planté une bombe au cœur de son temple. Et elle n’a jamais cessé de résonner.