Closer : l'éternité gravée dans le marbre
C'est un album posthume qui ne devait pas l'être, une lettre d'adieu lue après le saut dans le vide.
Sorti en juillet 1980, deux mois après le suicide de Ian Curtis, Closer n’est pas simplement la suite d’”Unknown Pleasures” ; c’est une cathédrale gothique bâtie sur des fondations de désespoir pur.
L’ambiance aux studios Britannia Row à Londres est clinique, presque hostile. Sous la direction tyrannique et visionnaire du producteur Martin Hannett, le groupe s’éloigne du punk pour sculpter une architecture sonore inédite. Le son est sépulcral. Hannett isole chaque instrument, créant un espace vide, immense et terrifiant entre les notes. Sur “Atrocity Exhibition”, la batterie de Stephen Morris n’est plus un instrument rythmique, mais une machinerie tribale et hypnotique, tandis que la guitare de Bernard Sumner sonne comme une scie circulaire attaquant du métal.
Mais la véritable révolution, c’est l’usage des synthétiseurs. Loin des gadgets futuristes de l’époque, ils nappent ici des titres comme “Isolation” ou “Decades” d’une brume funéraire, presque religieuse. La basse de Peter Hook, jouée haut sur le manche, porte la mélodie comme un chant funèbre, guidant la voix de baryton de Curtis qui semble déjà chanter depuis l’outre-tombe.
Il y a une ironie tragique qui hante l’écoute : la pochette, montrant le tombeau de la famille Appiani, avait été choisie avant la mort de Curtis. Une prophétie involontaire. Un chef-d’œuvre.
Personnellement, je ne peux écouter “The Eternal” sans frissonner. Ce n’est pas de la musique, c’est le son d’une âme qui s’éteint doucement, acceptant son sort avec une grâce terrifiante. Closer a inventé la Cold Wave, mais il a surtout capturé l’instant précis où la lumière cède face à l’obscurité.

