Collector : Who’s Next
Quand les bandes magnétiques de Pete Townshend commencent à crépiter en ce début d’été 1971, ce n’est pas seulement un disque qui s'enregistre, c’est le futur qui frappe à la porte.
Après le marathon exténuant de “Tommy”, The Who accouche de Who’s Next dans les cendres du projet avorté “Lifehouse”. Le résultat est une déflagration d’une pureté absolue, un monolithe de granit posé au milieu de la discographie rock.
Dès l’ouverture, le synthétiseur VCS3 tisse une toile hypnotique, une innovation technologique que Townshend utilise non pas comme un gadget, mais comme l’ossature même d’un nouveau langage. La production de Glyn Johns est d’une clarté chirurgicale : la basse de John Entwistle gronde comme un orage souterrain tandis que Keith Moon, en véritable derviche tourneur, semble vouloir briser ses fûts à chaque mesure.
C’est un équilibre précaire, presque violent, entre la sophistication de l’ingénieur et la fureur du gamin de rue. Roger Daltrey, de son côté, atteint une dimension christique, transformant ses doutes en hymnes de stade.
En écoutant ce disque aujourd’hui, je ressens toujours ce même vertige. C’est le son d’un groupe qui refuse de mourir avant d’avoir tout dit. C’est l’élégance du piano qui rencontre la distorsion brutale. Un disque de transition devenu une destination finale. Un chef-d’œuvre.

