Collectors : Animals - Pink Floyd
1977. L’Angleterre tangue entre crise, poubelles qui débordent et punks en furie. Pink Floyd, eux, sont déjà ailleurs.
Dans leur avion privé, dans leur mégalomanie grandissante, mais surtout dans un monde où les hommes se sont changés en bétail. Animals n’est pas seulement un album : c’est un pamphlet sonore, un miroir déformant du capitalisme qui dévore tout - jusqu’à la tendresse.
Inspiré par La Ferme des animaux d’Orwell, Waters découpe la société en trois espèces : les chiens, les porcs, les moutons. Le ton est acide, le groove rugueux, la guitare de Gilmour mord comme un molosse.
Finies les rêveries cosmiques de Wish You Were Here : ici, tout est ancré dans la boue, dans la ville, dans la rage. Les synthés ronflent comme des usines, les riffs s’étirent, hypnotiques, menaçants. Chaque morceau est une fresque, un cri étouffé derrière les murs du pouvoir.
L’enregistrement, lui, se fait à Britannia Row, leur propre studio - luxe et isolement. On raconte que les tensions montent, Waters contrôle tout, le groupe se fissure. Le cochon géant gonflable, s’échappant dans le ciel de Battersea, deviendra symbole autant que présage : Pink Floyd flotte, immense, mais à deux doigts d’exploser.
À l’écoute aujourd’hui, Animals n’a rien perdu de sa morsure. C’est un disque qui sue la colère, l’intelligence et le désespoir. On y entend la fin d’un idéal hippie, le début du cynisme moderne.
Et quelque part, dans ce grondement de basse et de guitare, une vérité : les bêtes ne sont pas celles qu’on croit.