Collectors : Genesis - The Lamb Lies Down on Broadway
1974. L’Angleterre s’essouffle, le prog rock commence à tourner en rond, et Genesis lâche sa bombe : "The Lamb Lies Down on Broadway".
Double album, concept fuyant, labyrinthe sonore. C’est l’histoire de Rael, un gamin de New York, mi-héros mi-voyou, qui traverse une odyssée surréaliste pleine de créatures étranges, de visions bibliques et de cauchemars urbains. Une métaphore ? Une confession ? Peut-être les deux.
Musicalement, c’est une œuvre frontière. Phil Collins n’est pas encore le futur dominateur des radios FM, mais sa batterie est déjà une mécanique infernale. Tony Banks tisse ses claviers comme des cathédrales de verre. Steve Hackett envoie ses éclats de guitare comme des éclairs furtifs. Et Peter Gabriel, en funambule génial, chante Rael avec des accents de théâtre expressionniste, entre la tendresse d’un conteur et la folie d’un prophète halluciné.
L’album, produit dans l’urgence, a failli briser le groupe. Gabriel, de plus en plus isolé, quitte la formation l’année suivante. Mais ce disque reste leur sommet narratif : un voyage total, où l’on passe d’hymnes flamboyants (“In the Cage”) à des miniatures étranges (“Counting Out Time”), des instants presque pop à des dérapages cosmiques. C’est bancal, parfois excessif, mais d’une audace folle.
À l’époque, le public est déconcerté. Trop long, trop obscur, trop théâtral. Et pourtant, cinquante ans plus tard, on se perd encore dans ce dédale comme dans un rêve qui refuse de s’expliquer. The Lamb est une cathédrale fissurée, une fresque inachevée, mais c’est précisément dans ses failles que surgit la beauté.
Chaque écoute est une descente et une ascension. Broadway n’a jamais semblé aussi mystique.