Collectors : Tales from Topographic Oceans - Yes
1973 . Le rock prog est au sommet de sa démesure. Pink Floyd vient d’allumer ses lasers sur "Dark Side of the Moon", Genesis construit des cathédrales sonores, et Yes... Yes part en croisade mystique.
Tales from Topographic Oceans n’est pas un album : c’est une expédition. Quatre morceaux, quatre continents sonores, chacun s’étirant sur plus de vingt minutes. Les fans s’inclinent, les sceptiques crient au délire new-age. Les deux ont raison.
L’histoire dit que Jon Anderson a eu la révélation en lisant un livre hindou dans l’avion. Steve Howe, lui, sortait d’une tournée épuisante et d’une admiration sans bornes pour Ravi Shankar. Ajoute à ça un Rick Wakeman au bord de l’implosion, coincé entre deux claviers et un plateau de curry pendant l’enregistrement… Le décor est planté.
Tout est trop, tout déborde. Les guitares serpentent, les harmonies s’empilent, la basse de Chris Squire gronde comme une bête mythologique. On passe de moments de grâce suspendue (The Remembering) à des labyrinthes rythmiques d’une complexité folle (The Ancient). C’est la bande-son d’un rêve lucide, un voyage intérieur où la musique devient architecture, rituel, cosmos.
La production, dense et étouffante, enferme parfois l’auditeur dans un cocon sonore - mais c’est justement ça, le trip : une plongée sans oxygène dans la tête d’un groupe qui croyait sincèrement pouvoir percer le secret de l’univers à coups de mesures asymétriques et de chants célestes.
Tales n’est pas un disque qu’on “aime” ou qu’on “déteste”. C’est un disque qu’on traverse. Une œuvre frontière, entre illumination et folie, mégalomanie et pureté. Et qu’importe si Wakeman quittera le navire après ça : Yes venait de toucher le ciel. Ou de s’y brûler.