:: Common People : l’hymne du sarcasme social
1995. Au cœur de l’Angleterre post-Thatcher, Pulp balance Common People comme un cocktail Molotov sur les dancefloors.
Derrière le beat irrésistible et la ligne de synthé sucrée se cache une gifle à la classe bourgeoise qui fantasme sur l’authenticité crasse des bas-fonds. Jarvis Cocker, silhouette maigre et lunettes sales, narre cette rencontre entre un étudiant d’art chic et une aristocrate en quête de frisson prolétaire. Tout y est : le sarcasme, l’aigreur, la précision chirurgicale des mots qui découpent les faux semblants.
Musicalement, le morceau pulse comme un tube disco punk mal peigné. Une basse motorik, des claviers cheap, une batterie qui cavale droit devant - et au centre, la voix nasale de Jarvis qui crache ses couplets comme une confession publique. Ce n’est pas seulement une chanson : c’est une pièce de théâtre. Chaque montée du refrain est une lame qui fend l’hypocrisie. Quand il gueule “You’ll never live like common people”, le dancefloor se change en tribunal. On danse, on sue, on rit jaune.
Common People cristallise tout un pan de la britpop, mais refuse de se laisser engluer dans l’hédonisme creux de l’époque. Elle se nourrit du cynisme d’une génération rincée par les promesses non tenues et la misère esthétique des pubs gris. Dans les clubs de Sheffield comme à Camden Town, elle devient la bande-son de ceux qu’on n’invite jamais dans les salons privés.
Aujourd’hui encore, elle vibre comme une claque à quiconque oserait travestir la pauvreté en fétiche bohème. Un hymne pour ceux qui savent que la galère ne se consomme pas, elle se subit. Et Pulp, ces dandys désabusés, l’ont gravée sur vinyle pour qu’on ne l’oublie jamais.