:: Creedence Clearwater Revival : Bayou électrique
En quatre années fulgurantes, Creedence Clearwater Revival a craché plus de classiques que la plupart des groupes n’en pondent en une vie.
Originaires d’El Cerrito, banlieue sans grâce de San Francisco, ces types-là jouaient comme s’ils étaient nés dans un marécage du Mississippi, gorge pleine de poussière et bottes dans la vase. Un paradoxe électrique : des Blancs californiens réinventant le Sud mythique avec une précision quasi documentaire et une rage sèche.
John Fogerty, gueule d’ouvrier et regard halluciné, tenait le manche comme on brandit une arme. Son timbre râpeux, gorgé de soul et d’amertume, charriait l’Amérique des laissés-pour-compte, des bidasses perdus au Vietnam (Fortunate Son), des losers magnifiques (Lodi), des visions apocalyptiques sous LSD biblique (Bad Moon Rising).
Musicalement, c’est une machine de guerre : trois minutes, pas plus. Une rythmique métronomique, des riffs qui sentent l’huile moteur et la bière tiède, une économie de moyens qui tutoie la perfection. Pas d’esbroufe, juste l’os, tendu à l’extrême. Le rock roots selon Creedence, c’est le rêve américain passé à la moulinette du blues, du swamp, du rockabilly. Une espèce de punk avant l’heure, nourri au gospel et aux échecs.
Ils ont brûlé vite, consumés par les tensions internes, la mégalo de Fogerty, les querelles de frangins et l’ingratitude de leur époque. Mais ils ont laissé derrière eux un mythe poussiéreux et incandescent, comme une vieille photo retrouvée dans une boîte à gants. Un truc qui sent la sueur, la rouille et l’éternité.
Aujourd’hui encore, leur musique gronde, sale et vraie. Comme si la fin du monde était une fête foraine fermée pour cause d’inondation.