:: Dans l’antre d’Oblivion
Quand Oblivion surgit en 2012, Grimes - alias Claire Boucher - propulse la pop DIY dans un univers de paradoxes sucrés-acérés.
Derrière ses nappes synthétiques et ses claviers bonbon se cache une violence sourde : l’histoire d’une agression sexuelle que la Canadienne transforme en rituel de réappropriation sonore. La chanson, tout entière, est une dissonance : une pulsation dance qui donne envie de fuir la nuit en courant, une voix fillette sur des beats qui cognent comme un cœur sous adrénaline.
Musicalement, Oblivion n’est pas qu’un tube électro-pop rêveur, c’est un coup de scalpel dans le marbre glacé des années 2010. La ligne de basse vrombit comme une machine en surchauffe, tandis que la production minimaliste laisse flotter l’écho spectral de Boucher, incantatrice solitaire dans un stade de football. L’auditeur est happé par ce contraste : ça brille et ça claque, ça danse et ça dérange.
Mais le plus fascinant est ailleurs : Grimes redéfinit la vulnérabilité comme un territoire de pouvoir. Sur scène comme dans le clip - elle seule au milieu des meutes masculines - elle transforme la peur en performance pop. La modernité de Oblivion réside là : chanter l’angoisse avec un sourire d’androïde, user du beat comme d’une armure fluo.
Treize ans plus tard, le morceau reste un talisman : pas seulement une confession, mais un manifeste de survie qui a ouvert la voie à toute une génération d’artistes queer, solitaires, électroniquement furieux. Oblivion n’est pas un tube nostalgique : c’est une cicatrice pulsatile, un hymne pour celles et ceux qui avancent en territoire hostile, casque vissé sur les oreilles, prêts à danser dans l’ombre.