:: Dylan, l’électrochoc perpétuel
Il est entré dans la culture comme une détonation. Voix râpeuse, regard d’ange narquois, guitare en bandoulière : Dylan a foutu le feu aux sixties comme on balance une allumette dans une poudrière.
Pas juste un chanteur. Un sismographe. Dès Blowin’ in the Wind, il murmure les doutes d’une génération trop lucide pour rêver en technicolor. Puis il trahit : plugue sa Fender à Newport, saccage la folk pure avec un riff crasseux, et accouche de Like a Rolling Stone, six minutes de liberté giflante, un manifeste électrique.
Mais Dylan ne reste jamais là où on l’attend. Il traverse les décennies en mutant sans relâche : poète halluciné de Desolation Row, cow-boy biblique de John Wesley Harding, crooner désabusé sur Blood on the Tracks.
Chaque album est un masque arraché, une vérité fuyante. Sa voix, elle, se tord, s’éraille, se cabosse. Pas belle - mais vraie. Elle dit la poussière, l’orgueil, les trahisons, les mirages.
Dylan, c’est l’Amérique qui doute, qui ment, qui cherche. Ses mots brassent la Bible, Rimbaud, les trottoirs, les traîtres. Il prophétise sans dogme, chante sans caresser. Et s’il s’est vu prix Nobel, ce n’est pas pour ses vers, mais pour avoir su changer le langage de la chanson, en faire une arme de précision, de trouble, de beauté.
Il ne nous parle pas. Il nous provoque, nous échappe. Mais toujours, il éclaire. Comme un phare grésillant dans le chaos. Dylan ne rassure pas : il secoue. Et c’est pour ça qu’il reste.