:: Éclats d’incendie : Arcade Fire et l’épopée d’un rock hanté
Quand Arcade Fire surgit au début des années 2000, la scène indie ressemble à un champ de ruines post-grunge et post-britpop.
Tout est prêt pour un sursaut. Funeral (2004) déboule comme un cri collectif, une procession funèbre où l’espoir danse sur les cendres. Montréal, ville de blizzards et de cathédrales abandonnées, sculpte leur son : cordes frissonnantes, batterie tribale, chœurs à gorge déployée, orgue d’église qui fuit la messe pour rejoindre un bal païen.
Win Butler chante comme un prophète épuisé, traînant dans ses hymnes une humanité tremblante : la mort, l’enfance perdue, la famille éclatée. Mais derrière le spleen, une déflagration - ces refrains qui gonflent comme des marées, emportant tout sur leur passage. Sur scène, le groupe joue comme s’il en allait de leur salut : hurlements, casques de moto, tambours frappés à mains nues.
Avec The Suburbs (2010), Arcade Fire ausculte la banlieue, ce no man’s land pavillonnaire où s’étouffent les rêves. Là encore, la grandiloquence n’écrase jamais l’intime : chaque morceau est un film Super 8 grésillant, une mémoire qu’on ressuscite pour mieux la laisser s’échapper. À chaque album, ils déjouent les pronostics, flirtant avec le disco, l’électronique, sans jamais renier leur fièvre originelle.
Arcade Fire a rallumé un feu qu’on croyait éteint : celui d’un rock capable de parler à la fois aux corps, aux fantômes et aux foules. Leur héritage est déjà là - des stades remplis de cris communautaires, des gamins qui croient encore qu’une chanson peut changer quelque chose. Peut-être pas le monde, mais au moins nos nuits.