:: Elephant : rugissement vintage dans l’ère du vide
Sorti en 2003, Elephant n’est pas qu’un album. C’est une claque dans le visage anémique du rock du début de millénaire.
À une époque saturée d’auto-tune, de néo-metal aseptisé et de pop plastique, The White Stripes brandissent la guitare comme un gourdin primitif, sale et sacré. Jack et Meg White, duo faussement candide, livrent ici leur manifeste : retour au brut, à l’instinct, au feu.
Enregistré sur du matériel analogique datant d’avant 1963, Elephant refuse la modernité non par posture rétro, mais comme un cri de défi. C’est un disque qui respire la poussière et l’électricité. “Seven Nation Army” ouvre la marche avec une ligne de basse fantôme jouée à la guitare, riff devenu hégémonique, hymne de stades, symbole d’une époque qui cherchait à nouveau du riff dans ses veines.
Mais derrière ce tube-totem, Elephant est un disque hanté : “There’s No Home For You Here” gronde de colère sourde, “Ball and Biscuit” explose dans un blues démembré, carnassier, où chaque solo suinte l’orgueil blessé. C’est un album de tension, de sexe et de silence, porté par la batterie minimaliste et funèbre de Meg, dont la retenue devient une arme.
À travers ces douze titres, Jack White ne joue pas : il exorcise. Il convoque le fantôme de Son House, la rage de Led Zeppelin, l’élégance bancale du garage. Elephant est un disque de fin de règne et de renouveau, qui hurle que le rock, même agonisant, peut encore foutre le feu. Rien de nostalgique ici : juste du sang, de la sueur, et un rugissement.