:: Elvis Costello : l’arsenic dans la pop
Elvis Costello, c’est la rancœur qui groove, l’ironie qui swingue.
Quand il déboule à la fin des années 70, l’Angleterre crache déjà ses punks et recycle ses mods, mais lui taille son costume à part : lunettes d’employé de bureau, cravate trop serrée, guitare nerveuse. Derrière ce masque de jeune homme pressé se planque une plume vénéneuse. Son premier album, My Aim Is True, distille un venin élégant : une pop à la fois racée et teigneuse, mue par un songwriting d’orfèvre et un chant d’écorché vif.
À l’époque, on croit voir un Dylan nouvelle génération. Erreur : Costello préfère saboter ses propres chansons avec des riffs tranchants, des claviers acides et des mots trop lourds pour les refrains FM. This Year’s Model et Armed Forces balancent leurs hymnes comme des tracts contestataires emballés dans du sucre pop. Dans “Pump It Up” ou “Oliver’s Army”, les couplets cognent l’Angleterre de Thatcher à coups de slogans cyniques et de mélodies trop entêtantes pour être innocentes.
Costello, c’est l’art de trahir son époque : new wave, punk, pub rock - tout y passe, tout est contaminé par sa rage de dire. Plus qu’un chanteur, un styliste de la phrase assassine et de l’accord qui vrille. Sa voix, jamais tout à fait juste, toujours trop pleine, devient l’instrument d’une rage contenue.
Aujourd’hui, il reste ce vampire élégant, sautant de ballades baroques en albums barbelés, contaminant la pop de sa bile brillante. Costello n’a jamais été cool. Il est bien plus dangereux : indispensable.