:: Elvis : l’explosion électrique du mythe américain
Il entre comme une déflagration. 1956, l’Amérique ronronne encore dans son confort post-guerre : télé en noir et blanc, rock’n’roll balbutiant, ségrégation bien huilée.
Et soudain, Elvis Aaron Presley surgit, mi-ange, mi-fauve. Cheveux gominés, hanche carnassière, voix de gospel païen. Ce n’est pas un chanteur, c’est un séisme.
Avec Heartbreak Hotel, il insuffle la désolation du blues dans la gorge d’un blanc. La guitare sonne sale, la réverbération suinte la nuit américaine. Ce garçon du Mississippi détourne la country, siphonne le rhythm and blues, crache le feu d’une sexualité jusque-là confinée aux marges. C’est le grand détournement. Et le début d’un empire.
Elvis n’a pas inventé le rock’n’roll, mais il l’a incarné à un niveau cosmique. Il est le vecteur - et le produit - d’un moment d’hystérie nationale. Sur scène, il ne chante pas : il transpire le désir, l’ambivalence, la transgression. Les parents le craignent, les jeunes le vénèrent. Chaque déhanché est une gifle à l’Amérique puritaine.
Mais l’icône s’effrite. Hollywood l’anesthésie, l’armée le récupère. Quand il revient en 1968, tout en cuir noir, il est encore le roi, mais son royaume a changé. La contre-culture ne veut plus de roi, juste du chaos. Pourtant, il persiste, jusqu’à devenir sa propre caricature tragique, shooté à mort dans sa prison de Graceland.
Elvis, c’est le rêve américain retourné contre lui-même. Une voix divine dans un corps condamné. Il a porté le feu, et s’est consumé dedans. Mais sans lui, le rock ne serait qu’un murmure sans chair.