France : Jean-Louis Murat - Cheyenne Autumn
1989. La France sort à peine des années frime et synthés dorés.
Le rock hexagonal cherche encore sa voix quand un type du Puy-de-Dôme, Jean-Louis Murat, sort Cheyenne Autumn - un titre de western pour un disque sans cowboys, mais avec des fantômes. Ceux de l’enfance, de la campagne, des amours perdues.
Premier album, premier choc. Murat y déploie une langue qui n’appartient qu’à lui : charnelle, mélancolique, pleine de vent et de désir. Sa voix, déjà, coule comme du miel noir. À la production, on sent l’air des années 80 - boîtes à rythmes, claviers éthérés, guitares claires - mais tout semble détourné, arraché à la mode pour devenir paysage. C’est une musique de route déserte, de crépuscule d’été, un rock contemplatif avant l’heure.
Il y a du spleen rural dans ces chansons, un romantisme de province qui ne demande ni Manhattan ni Londres pour exister. Murat chante la lenteur, la fatigue, la beauté du renoncement. Si je devais manquer de toi ou Amours perdues sonnent comme des prières murmurées à travers la pluie. Et déjà, cette impression unique : l’homme est ailleurs.
Cheyenne Autumn, c’est la naissance d’un territoire. Pas un style, pas un courant : un monde. Là où la chanson française devient minérale, charnelle, mystique. On y croise les plaines de l’Ouest et les volcans d’Auvergne, Leonard Cohen et Ferré, les silences et les bêtes.
On dira plus tard que Murat est un solitaire, un ronchon, un poète maudit. Mais ici, il galope pour la première fois - et le ciel s’ouvre. Le reste de sa carrière n’en sera que la longue réverbération.