Frenchies : Dure Limite - Téléphone
En 1982, le groupe Téléphone délivre "Dure Limite", quatrième opus qui marque un tournant culturel autant que musical.
Produit par Bob Ezrin (oui, celui de The Wall) à Toronto, l’enregistrement se déroule sous tensions : le label veut l’export, le groupe veut son identité.
Le contexte est vibrant : la France post-Mai 68 des barricades, les années-80 qui démarrent, le rock français qui veut sortir de l’ombre anglo-saxonne. Téléphone change de label (Virgin) et vise l’international. Sur l’album, ça pulse : de “Ça (c’est vraiment toi)” à “Cendrillon”, en passant par “Le Chat” ou encore la virulente “Ex-Robin des Bois”, satire politique acérée.
Musicalement ? Un équilibre entre rock nerveux, new-wave épurée et mélodies pop incisives. L’instrumentation mélange guitare rugueuse (Louis Bertignac), basse charpentée (Corine Marienneau) et batterie tendue (Richard Kolinka). Pour la première fois, un synthé s’invite, ouvrant un horizon plus large. Le titre d’ouverture “Dure Limite” évoque la tension froide de la Guerre froide, mur de Berlin implicite.
Côté anecdotes : le producteur Ezrin met le groupe sous pression, les sessions virent orageuses ; certains membres quittent temporairement le studio. Le single “Ça (c’est vraiment toi)” traverse les générations et reste hymne intemporel. Le public français adhère : l’album sera numéro un pendant sept semaines.
Pour ma part, je revis ce disque comme un cri libérateur : la guitare qui grince, la voix d’Aubert qui cherche, les mots qui frappent. Il y a dans “Cendrillon” une mélancolie subversive, comme si le conte de fées finissait mal (et en fanfare). Le rock français ne s’est pas contenté de surfer sur la vague anglo-saxonne : avec Dure Limite, il a forgé sa propre lame.
Chaque écoute ravive l’électricité d’un club enfumé, d’une génération en marche. Un classique.

