Frenchies : Moon Safari - Air
En 1998, le monde sature sous les larsens du grunge agonisant et l'efficacité robotique de la techno. Soudain, deux Versaillais en blouse blanche injectent une dose d’apesanteur nos lecteurs CD.
Moon Safari n’est pas qu’un album ; c’est une bulle de savon irisée flottant au-dessus d’un Paris fantasmé. Air a réussi l’impensable : marier l’héritage de Gainsbourg à la science-fiction rétro des années 70.
Techniquement, c’est une orfèvrerie de textures. Le Moog et le Rhodes s’entrelacent dans une danse lascive, soutenus par des lignes de basse rondes, presque charnelles, qui portent l’ensemble.
On y entend le souffle des studios d’une autre époque, une chaleur analogique qui refuse la froideur numérique du nouveau millénaire. Les voix, souvent passées au vocodeur ou portées par la fragilité de Beth Hirsch, deviennent des instruments à part entière, des murmures synthétiques qui caressent l’âme.
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L’enregistrement fut pourtant un pari. Entre les murs du studio de Jean-Michel Jarre, Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel ont bricolé ce voyage avec une exigence de philharmonistes. À sa sortie, la presse britannique, d’ordinaire si prompte à l’ironie, tombe à genoux. C’est le son du dimanche matin idéal, une mélancolie lumineuse qui transforme chaque trajet en métro en une scène de film de Sofia Coppola.
Pour moi, cet album reste l’épitaphe d’une certaine élégance européenne : un disque qui ne cherche pas à hurler, mais à murmurer l’infini. Un chef-d’œuvre de velours.

