Frenchies : Osez Joséphine - Alain Bashung
Il suffit d’un accord de guitare pour sentir que quelque chose a changé.
Avec Osez Joséphine (1991), Bashung quitte le labyrinthe des claviers des années 80 et plonge dans un blues amer, raffiné, comme s’il partait à Memphis pour retrouver ses fantômes. Enregistré aux Ardent Studios de Memphis, à Paris et à Bruxelles, le disque mêle roots rock, country et chanson française avec une audace rare.
Le contexte : début des années 90, une France changeante, la chute du mur de Berlin dans un coin de l’album, la chanson-titre trouve son nom dans un reflet de liberté. Bashung, jusqu’alors artiste culte mais parfois à la marge, accède avec ce disque à une reconnaissance plus large : “Osez Joséphine”, “Volutes”, “Madame Rêve” deviennent des classiques.
Sur le plan musical, on entend l’écho de la Louisiane : la guitare de Sonny Landreth, slide fébrile, imbrique des riffs fiévreux dans le français. Les structures sont simples mais les textures profondes : peu d’artifices, une prise souvent “live”, comme le note un critique : “sons acoustiques bruts empruntant au blues et à la country… sans overdubbing”. On trouve aussi des traductions inattendues, des reprises (comme “Nights in White Satin”) qui ouvrent un miroir vers l’ailleurs.
Un détail : la chanson-titre puise son inspiration dans une image de liberté féminine, venant d’une “Joséphine” alsacienne, selon Jean Fauque. Et l’album a ce parfum d’aube après la nuit : Bashung disait que son ennemi numéro un, c’était l’ennui.
Pour moi, c’est l’album où Bashung devient un voyageur intérieur. J’y entend ses doutes, ses désirs, mais aussi une forme de délivrance. Je me souviens l’avoir réécouté tard, la fenêtre ouverte sur la nuit, et ressentir comme un souffle de grands espaces. Peu d’albums français à cette époque osent à ce point se faire beaux, graves, libres.
Si vous ne connaissez pas encore Osez Joséphine, laissez-vous porter par “Kalabougie”, explorez “Volutes”, et écoutez Bashung murmurer/rugir qu’il “ose”, et que vous osiez, vous aussi.

