:: Funeral : un deuil éclatant
Sorti en 2004, "Funeral" d’Arcade Fire est un paradoxe incandescent : un album de deuil qui explose de vie.
Montréal bruissait encore de cette effervescence indie du début des années 2000 - Godspeed You! Black Emperor, The Dears - mais rien n’avait cette puissance cathartique. Funeral est né de la mort : proches disparus, drames familiaux, la pesanteur du chagrin, mais métamorphosée en une fanfare baroque.
Dès Neighborhood #1 (Tunnels), la voix de Win Butler se fissure comme un cri retenu trop longtemps. Les guitares tracent une route sinueuse, la batterie martèle comme un cœur affolé, les cordes et l’accordéon dérapent vers l’euphorie. La production brute, presque artisanale, renforce la tension : chaque instrument semble lutter pour exister, pour jaillir hors de la nuit.
On entend ici le fantôme du Springsteen des grands soirs, un soupçon de Talking Heads, mais Arcade Fire transcende ses influences pour bâtir une procession où l’intime devient universel. Wake Up est un hymne générationnel, repris à pleins poumons lors des concerts, comme si chaque spectateur voulait hurler ses propres fantômes.
Rebellion (Lies) bat la mesure d’une époque qui n’en peut plus des faux-semblants : “Sleeping is giving in… “ scande Butler, prophète d’un réveil nécessaire.
Vingt ans plus tard, Funeral n’a rien perdu de sa puissance viscérale. À une époque saturée de singles jetables, il reste un manifeste de la foi qu’on peut encore mettre dans le rock : une cathédrale bancale où les chagrins se chantent à gorge déployée, pour mieux trouver la lumière. Une messe païenne, vibrante, que l’on rejoue encore - à fond - quand tout semble s’éteindre.