Horses : le fracas poétique de Patti Smith
Le disque s’ouvre comme une explosion silencieuse : "Jesus died for somebody’s sins but not mine".
Dès cette ligne, énoncée dans l’inoubliable “Gloria: In Excelsis Deo”, Patti Smith s’annonce à elle-même, et à nous, hors du rang. Sorti en novembre 1975, réalisé au fameux Electric Lady Studios à New York et produit par John Cale (ex-The Velvet Underground), cet album est déjà à son époque un manifeste.
Sur le plan musical, c’est un objet fascinant : guitare claire, minimaliste, basse charnelle, batterie au seuil du brusque. La voix de Smith oscille entre récitation habitée et cri contrôlé ; la structure des morceaux semble simple, trois accords, un motif, mais la tension est permanente. “Birdland” déroule neuf minutes de transe rock-poème, “Land: Horses/Land of a Thousand Dances/La Mer(de)” tisse hommage à Hendrix, à Rimbaud, à la mer, une odyssée en trois mouvements qui fait hurler l’art dans le creux du garage.
Anecdote : la pochette signée Robert Mapplethorpe, en noir et blanc, le regard androgyniquement frontal de Smith, déjà part poésie, part défi.
Et sur le plan culturel ? Horses a, avec résonance, servi de blueprint à des générations d’artistes, de R.E.M. à PJ Harvey. Il inaugurait un nouveau lieu : celui de l’art-rock insurgé, de la voix féminine sans concession, de la poésie dans la tripaille du rock.
Pour moi, l’écoute aujourd’hui reste une expérience de choc : cette double nature, brute et singulière, me secoue encore, comme si l’album nous tirait hors du confort pour nous confronter à l’essentiel.
En conclusion : Horses n’est pas juste un disque, c’est un cheval noir lancé au galop dans la nuit du rock, un étalon libre que le temps n’a pas dompté. Et pour qui écoute, l’écho demeure nuancé, féroce, intact.

