How Soon Is Now? : le vertige selon The Smiths
C’est une chanson qui ne commence pas : elle s’élève, comme une brume électrique.
Une guitare qui tourne en boucle, hypnotique, vrillée par un vibrato spectral. Johnny Marr ne joue pas : il sculpte le son, l’étire jusqu’à la transe. En 1984, personne ne ressemblait à ça. Ce n’était plus de la pop, ni du rock, ni même du post-punk - c’était un sortilège.
How Soon Is Now? flotte dans l’air moite de Thatcherland, entre spleen urbain et désir étouffé. Morrissey y murmure sa solitude comme une confession sans témoin : “I am human and I need to be loved”. Phrase banale ? Non. Cri muet d’une génération coincée entre la honte et la fierté d’être différente.
Le morceau, enregistré d’abord comme face B avant de devenir culte, est un paradoxe total : lent mais brûlant, glacé mais vibrant. La rythmique martèle comme un cœur désaccordé, la reverb s’étend à perte de vue, et la voix - mi-pleur, mi-prière - plane au-dessus de tout ça.
On l’écoute encore aujourd’hui comme on regarde une vieille photo de soi-même : un peu flou, un peu triste, mais étrangement vivant. C’est le son d’un monde intérieur qui refuse de mourir.
Et à la fin, quand tout s’éteint, il reste cette question suspendue : How soon is now - autrement dit, quand est-ce qu’on vivra enfin ?