(I Can't Get No) Satisfaction : le rugissement du siècle
Il y a des riffs qui ne vieillissent jamais. Celui-là, tombé du ciel en pleine nuit d’insomnie dans la tête de Keith Richards, a changé à jamais le son du rock.
Trois notes comme une morsure, une pulsation primitive enregistrée en mai 1965 à Hollywood, sur une Gibson fuzzée qui semblait gronder contre le monde entier. Le reste appartient à la légende, ou plutôt à l’électrochoc : Satisfaction n’était pas seulement un tube, c’était une déclaration d’indépendance.
Les Stones venaient de trouver leur voix. Fini les reprises de bluesmen américains : Jagger crache son dégoût de la pub, du consumérisme, de la vacuité d’une société saturée d’images. Son “no satisfaction” est plus qu’un refrain : c’est un slogan générationnel, l’angoisse adolescente transformée en cri électrique. Derrière, Charlie Watts martèle, Bill Wyman maintient la ligne, et Brian Jones, frustré de ne pas briller, ajoute cette touche fébrile qui donne au morceau son urgence.
La chanson fut interdite sur certaines radios, jugée trop provocante. Elle grimpa pourtant au sommet des charts, renversant les Beatles pour un temps. Le monde venait d’entendre, peut-être pour la première fois, ce que signifiait le son Stones : sale, charnel, irrésistible.
Écouter Satisfaction aujourd’hui, c’est revenir à l’instant précis où le rock a cessé d’être gentil pour devenir dangereux. Ce riff continue de rôder dans la mémoire collective comme un totem de frustration, de désir et de liberté. Une chanson qui, soixante ans plus tard, refuse toujours de se taire.

