:: I Feel Love : pulsations synthétiques
1977. Brian Eno l’écoute et dit à Bowie : "Voilà le futur". "I Feel Love" de Donna Summer, produite par le sorcier Giorgio Moroder, ne ressemble à rien.
Adieu les cordes disco, les cuivres extatiques ; ici, tout est machines, pulsations, nappes synthétiques qui ondulent comme une vague sous acide. Une boîte à rythmes primitive, un Moog qui respire comme un être vivant - voilà la chair froide de ce morceau incandescent.
Sur cette transe répétitive, Donna Summer plane, chuchote, soupire, mi-humaine mi-déesse. Sa voix n’est plus la diva soul du Love to Love You Baby, elle devient cyborg extatique, première prêtresse de l’amour électronique. Moroder et Bellotte ont créé la bande-son d’un club encore inexistant, une rave avant la rave, un Berlin avant Berlin.
L’impact est immédiat : Kraftwerk prend note, New Order naît en germe, Detroit prépare ses machines pour l’acid house et la techno. I Feel Love est le chaînon manquant entre la sueur disco et la froideur futuriste. Un orgasme mécanique, mais jamais froid - le groove hypnotique pulse comme un cœur.
Ce morceau, c’est l’utopie du dancefloor : libération, abandon, sueur, extase, répétition jusqu’à l’oubli de soi. Quarante ans plus tard, sa basse vrille toujours les sound systems. Chaque DJ sait qu’il tient là un passeport pour la transe collective.
Si la disco est morte, I Feel Love lui a greffé une âme bionique. Elle continue de vivre, planant au-dessus des beats, réinventée à chaque remix, immortelle comme un fantasme de minuit. On n’écoute pas I Feel Love, on y plonge - et on ne revient jamais tout à fait.