In Utero : le revers de la gloire et l'art de la destruction
Cet album n'est pas une suite, c'est une amputation. Après avoir accidentellement inventé l'hymne d'une génération, Nirvana a pris la poudre d'escampette.
Choisissant de cracher dans la soupe mainstream qu’on lui forçait à boire. En 1993, ils ont rejeté le lisse pour le viscéral. Enrôler Steve Albini, l’architecte du son rugueux des Pixies et des Jesus Lizard, n’était pas un choix de producteur, c’était une déclaration de guerre à Geffen Records.
Le studio du Minnesota est devenu une salle d’opération. La production est une claque stérile, où chaque coup de cymbale est un éclat d’obus et le chant, une supplique brute enregistrée en quelques heures fiévreuses. Finis les overdubs sucrés : la basse de Novoselic est une fondation sismique, et Grohl cogne la batterie comme s’il tentait de s’échapper.
L’enregistrement se voulait si intransigeant que le label, terrorisé, a exigé un remix des titres les plus “commerciaux”. Mais même Scott Litt n’a pu dompter l’âme de cette œuvre : une dissonance calculée qui parle de maladie, de trahison médiatique et d’une lassitude déchirante. C’est le son de la pureté retrouvée, au prix du désespoir. Un testament terrifiant et magnifique.

