John Lennon / Plastic Ono Band : le cri nu d’un homme qui se dépouille de tout
Il y a des albums qui ne se contentent pas de raconter une histoire : ils arrachent la peau du monde.
John Lennon / Plastic Ono Band (1970) n’est pas seulement un disque, c’est une séance d’exorcisme gravée sur vinyle. Après la fin des Beatles, Lennon ne cherche plus à plaire. Il veut se purger. Se dépouiller. Dire enfin je sans maquillage.
Tout commence par un cri. Littéralement. “Mother”, cette ouverture foudroyante, est un hurlement d’abandon : Lennon y règle ses comptes avec ses parents, son enfance, ses démons. Pas de cordes, pas d’ornements - juste une voix à vif, un piano martelé, une batterie minimaliste signée Ringo. La production de Phil Spector, d’ordinaire clinquante, se fait ici austère, sèche comme une cellule de moine. C’est le paradoxe : le producteur du mur du son devient l’architecte du silence.
Chaque morceau est une confession. “Working Class Hero” taille le rock dans le marbre du désespoir. “God” dynamite la mythologie pop : “I don’t believe in Beatles”. Tout est dit. Lennon renonce à tout culte, à toute idole - même à lui-même. Il ne reste qu’un homme, blessé, nu, debout dans le vide.
Musicalement, c’est un retour à la terre. Les guitares grattent comme du papier de verre, la basse ronfle comme un vieux moteur. Pas d’effet, pas de poudre aux yeux. Le son de l’honnêteté brute.
En 1970, le monde sortait d’une décennie d’illusions psychédéliques. Lennon, lui, signe la bande-son du réveil brutal. Ce disque, c’est la fin des sixties qui pleure. Mais aussi la naissance d’une nouvelle vérité : celle d’un artiste qui ose tomber pour se relever autrement.
Écouter Plastic Ono Band aujourd’hui, c’est encore sentir le vertige d’un homme qui se met à nu… et nous regarde droit dans les yeux.