LCD Soundsystem : danser sur les ruines de sa propre jeunesse
James Murphy n’aurait jamais dû être une rockstar. Il était trop vieux, trop cynique, trop obsédé par la taille de la caisse claire.
Et c’est exactement pour ça qu’il est devenu le prophète de nos angoisses modernes.
Au début des années 2000, alors que New York se remettait à peine de ses cendres, LCD Soundsystem a débarqué comme un accident nécessaire. C’était la collision frontale entre la froideur du post-punk et la chaleur moite du disco. Imaginez The Fall qui tente de séduire Donna Summer dans un sous-sol de Brooklyn.
Musicalement, c’est une architecture maniaque. Murphy ne compose pas, il empile. Des synthétiseurs analogiques qui couinent comme des animaux blessés, une basse métronomique qui vous prend aux tripes, et cette voix... Une voix qui passe du murmure névrosé au hurlement primal.
Je me souviens de la première fois que j’ai entendu “Losing My Edge”. Ce n’était pas une chanson, c’était une liste de courses de tout ce qu’on avait peur de perdre : notre “cool”, nos disques rares, notre pertinence. C’était du snobisme inversé devenu de l’art.
Mais le vrai miracle, c’est la scène. Il y a cette seconde précise, pendant “All My Friends”, où le piano répétitif cesse d’être agaçant pour devenir transcendant. J’ai vu des salles entières, des hipsters blindés d’ironie, fondre en larmes en hurlant : “Where are your friends tonight?”.
LCD Soundsystem, c’est ça : la bande-son de la fête qui se termine, quand les lumières se rallument brutalement et qu’on réalise qu’on a vieilli, mais qu’on est encore là, vivants, en sueur, et ensemble.
C’est la musique la plus triste sur laquelle vous ne pourrez jamais vous empêcher de danser.

