Le Meilleur de 1980
L’ère de la post-anxiété. Le Punk a dynamité le passé, mais 1980 cherche la suite. Un écho de guitares arides dans le désert américain. Le rythme se déconstruit, devient mécanique, puis africain.
On sent la tension de la décennie qui démarre. Les héros du Rock ouvrent des failles, inventent l’intimité épique. C’est le moment où le son devient une architecture. Le futur arrive en trombe. L’Amérique gronde, mais elle danse.
Remain in Light - Talking Heads
Ce n’est plus un groupe, c’est un laboratoire d’ethnologie en surchauffe. Le producteur Brian Eno et David Byrne dissèquent la funk, l’Afrobeat, le Dub. Ils en extraient un squelette rythmique, sec, halluciné. Les instruments sont désorientés, les voix sont en transe, parlant comme des gourous modernes. C’est l’album de la répétition obsessionnelle, où le sens s’efface pour laisser place au groove pur. Une matrice pour tout le Post-Punk et au-delà. Un son venu d’ailleurs.
The River - Bruce Springsteen
Le Boss nous offre un double album comme un grand roman social, une fresque poisseuse et magnifique. Ce n’est plus seulement l’espoir de “Born to Run”, c’est la confrontation avec la dure réalité du rêve américain. Les chansons de fête côtoient les ballades crépusculaires sur le mariage, la perte d’emploi. La voix est plus profonde, plus marquée par l’usure. “The River” est le pont entre l’idéalisme des 70s et la mélancolie brute des 80s. C’est l’âme du peuple capturée sur vinyle.
Los Angeles - X
La fureur du Punk est toujours là, mais elle a appris à écrire des poèmes maudits. Produit par Ray Manzarek des Doors, cet album est le son exact d’une ville qui implose sous le soleil. Exene Cervenka et John Doe forment un couple de vocalistes unique, échangeant des vers acerbes sur l’amour tordu et la désintégration sociale. C’est un Rockabilly noirci au mazout, d’une vitesse et d’une intelligence lyrique sidérantes. Le manifeste urgent et magnifique du Punk californien le plus lettré.

