:: Le Meilleur de 1986
1986 : le funk se digitalise, les guitares pleurent en silence sous les synthés fluos.
Prince devient messie d’un gospel cybernétique, pendant que le hip-hop grave ses hiéroglyphes sur vinyle. Les fantômes du punk errent dans les boîtes à rythmes, et la pop, ivre de sa propre image, s’offre aux dieux cathodiques. Quelque part, dans les interstices, un cri monte : fragile, mutant, immortel.
The Smiths - The Queen Is Dead
Un cercueil roule sur l’asphalte mancunien, orné de fleurs fanées et de sarcasmes. Morrissey, roi sans royaume, convoque Wilde, Warhol, et des garçons tristes en vestes trop larges. Les guitares de Marr tracent des arabesques sur les murs gris de l’ennui. C’est la comédie anglaise, version spectrale. La reine est morte, vive la mélancolie.
Janet Jackson - Control
Une main claque la table : Janet s’empare de la lumière. Fini les chaînes en soie, place à l’acier brillant du funk synthétique. Minneapolis devient un territoire de reconquête. Chaque beat est une déclaration, chaque break une évasion. C’est l’électrochoc d’une femme qui danse sur les ruines de son silence. Contrôle, pouvoir, pulsation.
Bad Brains - I Against I
Un cyclone rasta dans une ruelle punk. Les riffs brûlent, les rythmes vrillent, et la voix est un cri d’apocalypse. Washington D.C. devient Babylone sous tension. Hardcore, reggae, fusion nucléaire - une guerre intérieure portée comme un étendard. Le “je” contre le “je”, Dieu dans l’ampli, le chaos comme prière.
The Go-Betweens - Liberty Belle and the Black Diamond Express
Le crépuscule australien peint des mots doux sur un piano voilé. Deux poètes en cavale écrivent des lettres qu’on ne poste jamais. L’amour y est un train fantôme, la liberté une cloche qui sonne dans le vide. Pop chambrée, élégance blessée, beauté fragile comme une aube qu’on n’ose réveiller.
Pet Shop Boys - Please
Dans la froideur des néons, des cœurs battent au rythme d’un synthé impassible. Ironie douce, élégance triste - le désir passe par les machines. Londres rêve de Miami, mais la pluie tombe toujours. La dance-music devient confessionnal. “Please”, ce n’est pas une demande, c’est un masque porté avec grâce.