:: Le Meilleur de 1987
1987, année de bascule où la musique se fracture et s’invente un nouvel alphabet. Le rock dit adieux à ses saints maudits pendant que le funk, le hip-hop, la world chantent un monde sans frontières.
Les synthés scintillent, les guitares grincent, les beats claquent sur des murs encore marqués par les rêves post-punk. C’est une époque où chaque disque veut réécrire l’évangile pop avant l’aube numérique.
Prince - Sign 'O' the Times
Tout le chaos du monde sous une pluie mauve : Prince, prêtre électrique, convulse la chair pop et la baptise funk, gospel, rock, sexe et apocalypse. Chaque morceau suinte une parabole - la fin, l’amour, la solitude sous néons. À Minneapolis, Dieu est un kid génial en trench-coat pêche, qui murmure à la foule de danser au bord du gouffre.
The Replacements - Pleased to Meet Me
Du punk repenti déguisé en soul déglinguée : Westerberg et sa bande trinquent à leurs propres fantômes dans un bar de Memphis. L’album claque comme une lettre d’amour froissée, un rire qui saigne, une dernière danse avant l’aube. Entre cynisme et tendresse, ces clochards célestes dressent un toast à tout ce qu’ils n’ont jamais su devenir.
The Smiths - Strangeways, Here We Come
Le dernier soupir du dandysme mancunien. Morrissey laisse flotter ses sarcasmes comme des mouchoirs sales dans un ciel d’usine. Les guitares de Marr, brillantes comme des larmes, signent l’épitaphe d’une bande trop belle pour durer. C’est une sortie élégiaque : un adieu ironique, une valse dans un couloir humide où l’on fredonne encore “please, please, please…”
Tom Waits - Frank's Wild Years
Le cabaret des ruines. Waits fait pousser des roses noires dans des ruelles trempées de bourbon. Frank, loser magnifique, rêve de brûler sa vie comme on claque une porte. Accordéons, cuivres, cliquetis rouillés : c’est un théâtre forain où la voix râpeuse du poète recycle les défaites en mythes brumeux. On en ressort parfumé de suie.
Robbie Robertson - Robbie Robertson
Premier pas solitaire du chef indien de la grande caravane The Band. Dans cette odyssée crépusculaire, Robertson chante des terres rouges, des rivières qui pleurent, des guerres intérieures. Une guitare murmure, des tambours frappent : c’est l’Amérique hantée, la mémoire d’un continent qui gémit sous le poids de ses propres légendes.