Led Zeppelin : les dieux électriques ou l’invention du tonnerre
Il y a dans Led Zeppelin quelque chose d’antique et de prophétique. Un quatuor sorti d’un rêve électrique où le blues du Delta aurait traversé un orage britannique.
1968 : la contre-culture s’éparpille, le psychédélisme se dissout. Eux arrivent comme un retour du refoulé - la sensualité brute, la transe, la chair. Le rock cesse d’être une expérience collective pour devenir un culte. Et le temple s’appelle Led Zeppelin.
Page, Plant, Jones, Bonham : quatre éléments. La terre (la basse), l’air (la voix), le feu (la guitare), l’eau (la batterie, en furie liquide). L’alchimie est totale, presque inquiétante. Le son est épais comme du métal fondu, mais toujours hanté par les fantômes du blues - Willie Dixon, Howlin’ Wolf - que le groupe transforme en mythologie électrique. Jimmy Page, sorcier des studios, invente la texture moderne du rock : micros lointains, overdubs, réverbérations caverneuses. Chaque riff devient une invocation.
Sur scène, c’est la démesure : Bonham cogne comme si le monde devait exploser à chaque mesure, Plant éructe, gémit, prêche - Dionysos blond aux cheveux de feu. Et le public, hypnotisé, découvre qu’un concert peut ressembler à une cérémonie païenne. Whole Lotta Love, Kashmir, Stairway to Heaven : autant de mantras pour une génération qui cherche la transe plus que la mélodie.
Led Zeppelin n’a pas simplement joué du rock : ils ont changé la manière d’y croire. Ils ont fait du bruit une religion et du silence un mystère. Écouter Physical Graffiti aujourd’hui, c’est encore se confronter à cette évidence : la puissance, quand elle est pure, devient beauté. Et quelque part, dans l’écho d’un riff, on entend toujours la foudre fondre sur le monde.


