Légendes : Beck, l’alchimiste du chaos pop
Beck, c’est le type qui a fait danser les années 90 sur un groove cassé, bricolé, moitié hip-hop, moitié folk déglingué.
"Loser" sonnait comme un manifeste pour une génération qui ne croyait plus aux héros de guitare. Mais réduire Beck à ce tube, c’est oublier qu’il est un dévoreur de sons, un artisan qui démonte les genres comme un horloger démonte une montre, pour recoller les pièces autrement, toujours imprévisible.
Dans les années 90, il a offert Odelay, un collage funky et brillant, où le rock se frottait au rap, où les guitares grinçaient derrière des samples surréalistes. Plus tard, il s’est glissé dans la mélancolie lumineuse de Sea Change, disque crépusculaire qui suintait la perte et la tendresse. Puis retour à la lumière, avec Morning Phase, méditatif, solaire, presque mystique. Chaque album est une porte d’entrée vers une nouvelle chambre de son musée imaginaire.
Sur scène, Beck est un caméléon. Parfois prêcheur funky qui fait trembler les foules, parfois troubadour fragile, seul avec sa guitare. Il dégage une énergie étrange, mi-ironique, mi-transcendante, comme s’il jouait toujours entre le masque et la confession.
Ce qui m’a toujours frappé chez lui, c’est cette liberté totale. Beck, c’est l’enfant qui refuse de choisir entre la boîte à rythmes et la guitare acoustique, entre Dylan et Grandmaster Flash. Il traverse la musique comme on traverse un désert halluciné, en laissant derrière lui des mirages sonores.
Beck est peut-être la dernière vraie rockstar postmoderne : multiple, insaisissable, mais terriblement humain.