:: Les éclats britanniques de The Kinks
À l’ombre des Beatles et des Stones, The Kinks ont frappé plus fort qu’on ne le pense.
En 1964, “You Really Got Me” fracasse la bienséance pop avec ses riffs bruts, son énergie proto-punk et la voix de Ray Davies, ironique, écorchée, londonienne jusqu’à l’os. C’est plus qu’un hit : c’est un coup de cutter dans la nappe proprette de la British Invasion.
Mais The Kinks ne sont pas des poseurs. Ray, le grand frère torturé, chronique l’Angleterre qui vacille : les traditions, la modernité, le déclin impérial. “Waterloo Sunset”, c’est du cinéma social en trois minutes : mélancolie mélodique, personnages solitaires, élégance blessée. Chaque chanson devient une pièce de théâtre pop, où se croisent dandys, ouvriers, loosers magnifiques et institutions vermoulues.
Musicalement, le groupe trace une ligne unique. Là où d’autres surenchérissent dans le psychédélisme, eux creusent dans le quotidien, les harmonies bancales, les arrangements dépouillés mais justes. Loin de la grandiloquence, ils préfèrent le mordant et la tendresse. Leur période 1966–1971 - de “Face to Face” à “Muswell Hillbillies” - est un enchaînement de chefs-d’œuvre miniatures, riches en textures acoustiques, chœurs cabossés et fureur contenue.
Et l’impact ? Monumental. Sans les Kinks, pas de Britpop, pas de punk anglais, pas cette idée qu’on peut raconter le monde avec une guitare fêlée et un accent. Blur, The Jam, Pulp : tous sont leurs enfants, spirituels ou illégitimes.
Les Kinks, c’est l’élégance sale, le romantisme ironique, la grandeur pathétique. Un groupe qui a préféré la vérité du trottoir au vernis des stades.
Un groupe qui, en secret, a changé la donne.