:: Light My Fire : feu sacré
En 1967, Light My Fire surgit comme un éclair sous acide, traversant la surface trop lisse d’un été d’insouciance.
Ce morceau, plus qu’un simple tube, incarne la bascule : la pop adolescente se tord pour enfanter une bête plus longue, plus libre, plus dangereuse. Sept minutes d’incendie contrôlé - orgue maniaque, guitare serpentine, batterie qui pulse comme un cœur à bout de souffle - et au milieu, la voix reptilienne de Jim Morrison, crooner maudit, prophète de la nuit.
Light My Fire est un manifeste déguisé en slow halluciné. Le solo d’orgue de Ray Manzarek, hérité de Bach mais trempé dans l’acide de Venice Beach, ouvre un couloir hypnotique. Robby Krieger, l’auteur du riff, laisse sa guitare onduler comme un serpent cherchant sa proie. Densmore frappe ses peaux avec la précision d’un jazzman dérouté par la brume. Au centre, Morrison ne chante pas l’amour : il invoque le brasier intérieur, l’appel du vide.
En trois minutes radiophoniques, la version single offrait un flirt ; la version album, elle, promettait la chambre noire. C’est toute la magie des Doors : faire de la pop une messe noire où le désir et la mort se confondent. Derrière le succès, se joue déjà le drame : l’Amérique, fascinée par ce miroir de décadence, allume sa propre mèche.
Light My Fire n’a pas seulement mis le feu aux charts - il a ouvert une brèche où s’est engouffrée toute une jeunesse prête à embrasser ses démons. Un morceau qui ne vieillit pas parce qu’il est un rituel : à chaque écoute, on y brûle un peu de soi.