Like a Rolling Stone : la chute et la liberté
Il y a plus de six décennies, une tempête a traversé la radio et l’âme collective : "Like a Rolling Stone" n’était pas seulement une chanson, c’était un cataclysme.
En juin 1965, Bob Dylan brisait les codes de la pop traditionnelle. Six minutes et trente-sept secondes de révolte, de sarcasme et de mélancolie urbaine, là où la radio préférait des refrains propres et des horloges parfaitement calibrées. Dylan lançait un pavé dans la mare, et le monde musical tanguait.
La structure est un prodige de simplicité apparente : couplets étirés, refrain explosif, orgue et guitare électrique qui se répondent comme deux oracles en désaccord. Mike Bloomfield à la guitare et Al Kooper à l’orgue offrent une texture charnelle, presque sauvage, qui épouse la voix rauque et incisive de Dylan. Chaque note semble cingler le conformisme, chaque accord résonne comme un défi à la bienséance. La production de Tom Wilson capture cette urgence avec une clarté brutale, sans jamais lisser la rugosité de la performance.
Derrière le micro, Dylan incarne la chute : “How does it feel…” interroge, accuse, mais libère. L’anecdote raconte qu’Al Kooper, organiste novice sur le projet, avait improvisé l’introduction iconique à l’orgue, transformant un moment d’hésitation en une signature sonore immortelle. Et le public ? Déconcerté, fasciné, électrisé. Les radios hésitaient à diffuser une telle audace, et pourtant, la chanson s’est imposée comme un cri universel.
Écouter Like a Rolling Stone aujourd’hui, c’est sentir le vent d’une époque où le rock se muait en miroir du monde : cruel, brillant, imprévisible. Dylan n’offre pas seulement une chanson, il ouvre un espace de réflexion, de colère, de liberté. On tombe, on se relève, et le monde ne sera plus jamais exactement le même.

