:: Like a Rolling Stone : la claque électrique
Juillet 1965. En six minutes foudroyantes, Bob Dylan fait exploser les murs entre folk et rock, poésie et rage, prophétie et provocation.
Like a Rolling Stone n’est pas une chanson, c’est un coup de tonnerre. Une claque électrique qui gifle toute une époque - et la fait basculer.
Dès les premières mesures, l’orgue de Al Kooper semble ouvrir une faille. La voix de Dylan, éraillée, nasillarde, dédaigneuse, s’y engouffre sans retour. Finies les complaintes acoustiques : place à un torrent de mots, à une litanie vengeresse adressée à une "Miss Lonely" déchue, icône brisée de l’arrogance bourgeoise. Chaque couplet est un projectile, chaque refrain une sentence : How does it feel? La question devient incantation. Et personne ne répond.
Musicalement, c’est la collision entre le chaos électrique du rock et la densité verbale de la beat generation. Le son est cru, rêche, sans vernis. Les musiciens, emmenés par Mike Bloomfield à la guitare, jouent à l’instinct, entre urgence et ivresse. On sent que tout peut s’effondrer, mais ça tient. Et c’est sublime.
Avec ce titre, Dylan dynamite les formats radio, redéfinit la pop comme véhicule de conscience aiguë. Le rock devient adulte, subversif, intransigeant. Il ouvre la voie à Lou Reed, Patti Smith, aux Clash. Et surtout, il impose un nouveau langage : celui d’un artiste qui ne demande plus l’amour du public, mais sa lucidité.
Like a Rolling Stone n’a rien perdu de sa morsure. C’est une chanson qui ne cherche pas à plaire, mais à réveiller. Et elle y parvient toujours. Parce qu’au fond, nous sommes tous, un jour ou l’autre, ce "complete unknown", jeté dans la rue avec pour seule arme une vérité qu’on ne voulait pas entendre.