Massive Attack : le battement lent du futur
Bristol, début des années 90. Une pluie grise, des entrepôts vides, des âmes sombres et des basses qui rampent sous la peau.
Massive Attack naît là, quelque part entre un rêve dub et un cauchemar postindustriel. Rien de “dance” dans cette musique, tout de tension. Un trip collectif, ralenti, sensuel, politique. On appellera ça plus tard trip-hop, faute de mieux. Eux préféraient simplement “sound system”.
Leur premier album, Blue Lines (1991), c’est un manifeste feutré. Des beats collants comme du miel froid, la voix mystique de Shara Nelson, les ombres de 3D, Daddy G, et le spectre de Tricky qui rôde. Un disque qui ne cherche pas à séduire mais à hanter. Unfinished Sympathy : symphonie urbaine, cordes et larmes mêlées, le gospel perdu d’une génération sans foi.
Puis vient Mezzanine (1998). L’apocalypse sous néons. Guitares industrielles, basses organiques, rythmes qui respirent la peur du monde moderne. Un disque à écouter comme on regarde Blade Runner : fasciné, inquiet, hypnotisé. Teardrop, avec la voix d’Elizabeth Fraser, reste l’une des plus belles prières électroniques jamais enregistrées.
Massive Attack, c’est la conscience lourde de l’Angleterre post-Thatcher. Des enfants du chaos qui ont transformé la paranoïa en élégance. Leur musique respire la nuit, les visages derrière les vitres du bus, la ville qui ne dort plus. Et quand Robert Del Naja, peintre, activiste, murmure sur scène, on entend autant Banksy que Baudelaire.
Ils ont inventé une lenteur moderne, un groove introspectif. Chez eux, chaque silence est politique, chaque note, une fissure dans le monde. Massive Attack, c’est le son d’une époque qui se regarde tomber - en beauté.