:: My Génération : jeunesse fracassée
Quand "My Generation" surgit en 1965, c’est plus qu’un simple single : c’est une bombe à retardement.
Quatre gamins électrisés, une basse grondante qui bégaie comme un moteur d’Aston Martin, des guitares sciées à vif, une batterie qui cogne la jeunesse britannique au plexus. Roger Daltrey éructe “Hope I die before I get old” comme un vœu suicidaire, mais surtout comme un avertissement : le vieux monde est mort, place aux débris de la modernité.
Cette chanson, c’est l’Angleterre des Mods qui défile en scooter chromé sous un ciel de cendres post-guerre. Les bombes n’explosent plus dans les rues, mais dans les caves où l’on danse jusqu’à s’étouffer. Pete Townshend, l’arme au poing - sa guitare comme une mitraillette - invente un riff qui fracasse le swingin’ London. John Entwistle, stoïque, signe une ligne de basse qui ose le solo, hérésie délicieuse pour l’époque. Keith Moon, lui, dynamite tout sur son passage.
My Generation n’est pas qu’un cri adolescent : c’est un manifeste punk avant l’heure. La rage est brute, la distorsion crue, l’insolence palpable. Chaque bégaiement de Daltrey n’est pas une faiblesse, mais un coup de poing rythmique qui traduit l’hésitation d’une jeunesse coincée entre l’ennui et l’explosion.
Soixante ans plus tard, la chanson résonne encore comme un totem. Elle n’a pas vieilli parce qu’elle ne parle pas que de 1965, mais de toutes les générations qui refusent de se taire. Dans chaque distorsion de Townshend, il y a un adolescent qui fracasse sa chambre. Dans chaque hurlement de Daltrey, un monde qu’on gifle pour qu’il écoute enfin.