:: Nerfs à vif : This Year’s Model d’Elvis Costello
En 1978, Elvis Costello entre en collision avec l’époque. This Year’s Model, son deuxième album, n’est pas une simple suite : c’est un tir de barrage.
Finie la prose tendue du premier disque, ici tout est nerfs, angles vifs et syncopes vénéneuses. Derrière lui, The Attractions jouent comme un groupe de garage élevé à la cold wave : métronomiques, vifs, souvent à deux doigts du chaos.
Costello, lui, éructe plus qu’il ne chante. Il décortique la paranoïa masculine, les illusions du romantisme pop et les petits fascismes du quotidien. Chaque ligne est une lame. “No Action”, “Lipstick Vogue”, “I Don’t Want to Go to Chelsea” : des chansons comme des lettres de rupture à la culture de masse, avec la lucidité d’un enfant du punk et la rancœur d’un fan trahi.
Mais ce n’est pas seulement l’énergie de 1977 qui résonne. L’album anticipe déjà les désillusions à venir. Il regarde la société-spectacle comme un miroir brisé où chacun cherche à sauver la face. Derrière les claviers menaçants de Steve Nieve ou la basse rampante de Bruce Thomas, c’est la crise de confiance des années Thatcher qui s’annonce - avant même que Thatcher ne règne.
Costello n’est pas un poseur punk ni un nostalgique à lunettes. Il est une caméra de surveillance branchée sur les désirs inavouables de l’époque. This Year’s Model n’est pas juste un album culte. C’est une arme, un avertissement, un chef-d'œuvre qui n'a pas vieilli d'un pli - parce que notre modèle, chaque année, reste tout aussi tordu.