Nevermind : quand le monde a changé de polarité
Septembre 1991. Une déflagration venue d’Olympia lacère le velours des charts FM.
Nevermind n’est pas qu’un disque ; c’est un séisme géologique qui enterre les paillettes du hair metal sous une couche de distorsion crasseuse et de mélancolie adolescente. Kurt Cobain y sculpte une esthétique du paradoxe, mariant la candeur pop des Beatles à la fureur abrasive des Pixies.
Sous la houlette de Butch Vig, le son devient une arme de précision. La production est clinique, presque trop propre pour l’époque, mais elle sert d’écrin à une dynamique “calme/tempête” qui allait définir une décennie.
La batterie de Dave Grohl cogne avec une violence tectonique, tandis que la basse de Novoselic maintient l’édifice alors que tout semble s’effondrer. En studio, l’ambiance est électrique, habitée par l’urgence de musiciens qui ignorent encore qu’ils vont devenir les porte-paroles d’une génération sacrifiée.
C’est un album de contrastes violents : des comptines sombres qui se muent en cris de rage primale. À l’écoute, j’éprouve toujours cette sensation de vertige, celle d’un gamin qui découvre que sa solitude est partagée par des millions d’autres. C’est beau comme un accident de voiture au ralenti. Un chef-d’œuvre absolu. Le son de la rupture définitive.

